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"Netflix, l'aliénation en série": critique de l'essai de Romain Blondeau

Pour inaugurer le début des vacances, j'avais envie de me remettre à lire avec quelque chose de court et facile à lire. J'ai donc jeté mon dévolu sur ce tout petit essai de Romain Blondeau, et s'il était effectivement très accessible, je ne l'ai pas trouvé convaincant pour autant. Voici pourquoi.

Titre rouge sur fond blanc, l'auteur affiche dès la couverture son ambition alarmiste. Le petit résumé qui y figure est accrocheur: le journaliste propose de décortiquer la façon dont le quinquennat de Macron a favorisé l'essor de Netflix en France. Si ce n'est pas révolutionnaire de dire que l'installation de grandes entreprises telles que Netflix a été facilitée par le modèle ultra-libéral d'Emmanuel Macron, j'étais curieux de connaître plus précisément les ressorts de ce phénomène. Finalement, j'ai été trouvé plutôt creuse l'argumentation de Romain Blondeau. Il nous apprend certes des informations intéressantes (et assez édifiantes d'ailleurs) sur les techniques de production et de standardisation des séries Netflix, mais celles-ci ne sont pas mises au service d'un propos pertinent, à mon sens. Les différents exemples sollicités ne lui permettent pas de dépasser le simple constat d'une époque qui, selon lui, court à sa perte, sans aucune nuance; quelquefois on a vraiment envie de lui répondre "ok boomer". Romain Blondeau utilise un ton provocateur en "nous" accusant d'avoir "choisi" Netflix, alors même qu'il s'attache à démontrer qu'on nous l'a progressivement imposé. Comment pointer du doigt la responsabilité individuelle face à des campagnes publicitaires massives aux budgets inédits? Et surtout, comment "nous" accuser d'avoir "préféré" Netflix au cinéma, d'avoir "trouvé le cinéma trop cher", alors que, quand même, il existe de "multiples cartes d'abonnements et réduction" - sérieusement ? On ne peut pas faire mine d'ignorer que l'accès à la culture n'est pas le même pour tous, et que, pour beaucoup, le cinéma reste un luxe. Comme si un abonnement Netflix et un abonnement UGC pour toute une famille coûtaient le même prix, comme si tout le monde avait le temps d'aller au cinéma régulièrement, et que "nous" avions sciemment choisi de "plonger" dans Netflix. Quand on dit "nous", il s'agirait de savoir de qui l'on parle. J'ai trouvé que le texte versait dans un sensationnalisme stérile, plus qu'il ne dessinait une critique nuancée du modèle Netflix. A part effrayer ses lecteur.ices à coup de phrases-choc stériles qui font souffler (il décrit notamment le binge-watching comme une "expérience de la mort", il s'agirait de doser), Romain Blondeau ne propose pas vraiment de solution collective face à "l'aliénation" que constitue la plateforme selon lui. En effet, s'il aurait été pertinent d'esquisser une alternative concrète aux pratiques de visionnage qu'il dénonce, il n'en est rien: dans les dernières pages, Romain Blondeau place son espoir dans "la jeunesse" et son enthousiasme pour les salles de cinéma, sans donner plus de détails. Un peu étonnant quand, au début de l'ouvrage, il accusait cette même jeunesse de "s'oublier un peu" face à la "dévoration capitaliste". En résumé, un essai qui n'en est pas un, qui ne donne pas matière à penser, mais qui culpabilise bêtement son lecteur/sa lectrice. Dommage.

 

Note: 2/5


Netflix, l'aliénation en série, Romain Blondeau, Editions Seuil Libelle, 2022.



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