Je suis allé voir Conann par dépit, après avoir manqué de peu la séance du Syndrome des amours passées, à Cannes. Contre toute attente, Conann m'a convaincu. Entré par curiosité, j'ai été envoûté par le film dès ses premières minutes.
Conann est une fable, violente et belle, sur l'horreur humaine. Bertrand Mandico y détourne la figure canonique de Conan le barbare pour en faire une héroïne polymorphe, incarnant les différents visages de la barbarie. Découvert à la Quinzaine des réalisateurs, il a été l'un de mes films préférés à Cannes cette année. Son esthétique singulière participe grandement à la séduction du spectateur, et adoucit la violence crue du film. Le travail sur les costumes et le maquillage, en particulier, est remarquable. La noirceur des regards n'est pas sans rappeler l'expressionnisme allemand, et donne une force inquiétante aux visages des personnages.
Contrairement à ce qui avait été reproché à After Blue, le film ne verse pas, à mon sens, dans la fétichisation; par ailleurs les relations de Conann ne constituent qu'un élément de l'histoire parmi tant d'autres. J'ai trouvé, en voyant le film, que les femmes et les minorités de genre étaient mises au coeur du film de façon assez remarquable par le cinéaste. Incarné exclusivement par des femmes et des personnes non-binaires, le personnage de Conann donne à Mandico l'occasion de jouer avec les codes genrés. Conann nous donne à voir des figures féminines sanguinaires, fortes, violentes -- barbares, ce qui est rarement montré à l'écran de façon aussi développée. Le cinéaste, à travers la représentation d'une violence presque exclusivement féminine, déjoue et se joue des genres, dont ses personnages ne cessent d'affirmer la porosité.
Note: 4/5
Conann, Bertrand Mandico, France - Belgique - Luxembourg, 2023.
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