Après plus de quarante ans de carrière, le maître de la comédie à l'italienne revient sur nos écrans avec Vers un avenir radieux (Il sol dell'avvenire). En compétition officielle lors du dernier festival de Cannes, le film laissait présager une ironie grinçante et une légèreté auxquelles nous avait habitués le réalisateur. A la place, une certaine lourdeur, et peu de rires dans la salle.
"C'était mieux avant"
Vers un avenir radieux semble d'abord être l'histoire d'un échec. Personnel d'abord, puisque Giovanni, énième alter ego du cinéaste, est quitté par sa femme (Margherita Buy). Le processus de rupture s'étale tout au long du film; parallèlement, Emma, leur fille unique, s'entiche d'un ambassadeur sexagénaire. Ces deux événements laissent apparaître l'incapacité de Giovanni à comprendre les personnes qui l'entourent: il est dans un déni profond du divorce, dont il ne saisit pas les motifs, et reste pantois lorsqu'il découvre le compagnon de sa fille. La deuxième dimension de l'échec est artistique: le tournage du dernier film de Giovanni est un fiasco complet, et menace d'être annulé, faute de moyens. Plus qu'un échec, c'est alors une incompréhension, un décalage que met en scène Vers un avenir radieux: entre le père et sa famille, entre un vieux réalisateur et les cinéastes contemporains. Cette rupture est notamment visible lors d'un rendez-vous lunaire entre le cinéaste et les producteurs Netflix, caricaturaux au possible, ou lorsqu'il interrompt le tournage d'un jeune réalisateur pour lui faire un cours d'esthétique jusqu'au petit matin. Si l'on retrouve en apparence l'humour pince-sans-rire caractéristique du réalisateur, la magie a disparu, laissant la place aux ruminations stériles d'un Moretti vieillissant, plus qu'à une véritable réflexion sur l'art; Vers un avenir radieux ne dépasse ainsi jamais le constat d'un cinéma qui court apparemment à sa perte.
Un méli-mélo indigeste
Pourtant, le film est aussi un hommage nostalgique au cinéma, notamment à celui de Nanni Moretti lui-même. On y retrouve en effet des éléments caractéristiques de ses films: la présence d'un alter ego, l'histoire politique italienne, des séquences de chant et de danse, une traversée de la ville (la trottinette électrique a remplacé la Vespa de Caro Diario), etc. Mais ces citations bienvenues ne parviennent pas à contrebalancer la lourdeur pénible du reste du film: le réalisateur étale son ego sans réussir à faire rire. Les mimiques de Nanni Moretti font parfois sourire, mais exaspèrent aussi: le mépris borné du réalisateur envers la nouvelle génération de cinéastes est, à la longue, épuisant (et pas franchement drôle). Une critique fine de la standardisation des productions Netflix, par exemple, aurait pu être intéressante, mais Vers un avenir radieux reste en surface. Les séquences musicales apportent un souffle plus léger, mais peinent à toucher véritablement le spectateur tant le reste du film manque de profondeur. La partie la plus intéressante du film est sans aucun doute la mise en abyme, intelligemment construite. En effet, le récit principal alterne avec des séquences du film de Giovanni, qui la réaction du Parti communiste italien à l'insurrection de Budapest en 1956. Mais là encore, cette partie manque de développement, son traitement reste trop superficiel et n'apporte rien au récit principal, ce qui ne crée qu'ennui et confusion. Ces deux espaces narratifs finissent par dialoguer lors d'une séquence finale un peu artificielle, où tous les personnages sont réunis pêle-mêle dans une célébration sortie de nulle part. Une conclusion informe, qui tombe un peu à plat, à l'image de ce qui la précède.
Note: 2/5
Vers un avenir radieux, Nanni Moretti, Italie, 2023.
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