A l'occasion de la ressortie du film, restauré en 4K, une projection en présence de l'équipe était organisée ce vendredi au mk2 Beaubourg. Comédie musicale légère traitant d'un sujet grave (encore plus au moment de sa sortie), ce film s'annonçait prometteur; pourtant, je n'y ai pas du tout adhéré. Voici pourquoi.
La petite salle du mk2 Beaubourg était pleine à craquer hier soir pour voir Jeanne et le garçon formidable et entendre son équipe en parler, 20 ans après le tournage. Après d'émouvantes retrouvailles (certains membres du casting ne s'étaient pas revus depuis la sortie du film!), Viriginie Ledoyen, interprète de Jeanne, prend la parole la première. Elle souligne l'importance d'un tel film dans le paysage cinématographique de l'époque: Olivier, l'amoureux de Jeanne, est séropositif. Le parti pris du scénario, comme le souligne également Jacques Martineau, était d'aborder ce sujet douloureux sur un ton léger, d'où le choix d'en faire une comédie musicale; le but était de montrer que la vie continue malgré la maladie. Jeanne et le garçon formidable avait donc a priori de quoi séduire ses spectateurs.
La séquence d'ouverture semble aller dans ce sens: Virginie Ledoyen éblouit par son jeu rafraîchissant, sublimée par la magnifique photographie de Matthieu Poirot-Delpech. Les plans sont beaux, et la touche rétro du film est charmante. Mais, passées ces premières minutes réjouissantes, le film perd petit à petit en fraîcheur, jusqu'à s'enliser complètement. Les chansons sont à mon sens l'un des gros points noirs du film, ce qui est quand même fâcheux pour une comédie musicale: elles sont terriblement mal écrites, et consternantes de niaiserie - on croirait voir une parodie de Jacques Demy. Les musiques sont également mauvaises, le choix d'une grande variété de registres débouche sur un manque de cohérence et d'unité. Le traitement narratif de la maladie a aussi de quoi décevoir: Olivier n'existe littéralement qu'à travers sa séropositivité. Tout au long du film, chaque interaction dans laquelle il est impliqué a trait au SIDA. Pire encore, cela ne débouche que sur des lieux communs, qui n'apportent aucun regard nouveau sur la condition des personnes atteintes du VIH. L'impression globale donnée par le film est d'avoir voulu traiter plusieurs sujets de société (le SIDA, l'homosexualité, l'émancipation sexuelle des femmes, la condition des travailleur.euses précaires, celle des étrangers.ères), sans pour autant les exploiter en profondeur. Ainsi, plusieurs passages semblent sortir de nulle part, comme cette séquence musicale dans laquelle des agents d'entretiens Noirs et maghrébins se mettent à déplorer leur condition: "Pour unique paiement / On nous expulse de France ! / On nous refuse tout l'temps / La nationalité / Et même nos enfants / Ne seront pas français". Si l'intention d'insérer une critique sociale dans le film est louable, on peut en revanche déplorer la façon dont ce discours s'intègre mal (voire pas du tout) au reste de la trame narrative, et dénote avec les blagues de mauvais goût, voire franchement racistes qui arrivent ensuite.
En somme, la piètre qualité des chansons et du scénario semble avoir été maquillée sous une "légèreté" artificielle et programmée. Le jeu de quelques bon.nes comédien.nes ne sauve malheureusement pas le film d'un inévitable naufrage. Si Jeanne et le garçon formidable est profondément ancré dans son époque, force est de constater qu'il a résolument mal vieilli.
Note : 2/5
Jeanne et le garçon formidable, Jacques Martineau et Olivier Ducastel, France, 1998. Avec Virginie Ledoyen, Denis Podalydès, Mathieu Demy.
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