J'étais pressé de retrouver en salle Robin Campillo, que j'avais découvert avec 120 battements par minute. Dans un film en partie autobiographique, le réalisateur jette un regard à la fois tendre et douloureux sur ses souvenirs d'enfance à Madagascar.
J'ai trouvé très juste, dans ce film, la représentation de l'enfance et de la mémoire. Le regard rétrospectif de l'adulte qui a grandi n'étouffe pas celui du petit Thomas, étonnant de lucidité. L'enfant ne cesse de démontrer sa clairvoyance dans le jeu des adultes, auxquels eux-mêmes font semblant de croire. Comme Fantômette, dont les aventures animées alternent avec le récit principal, Thomas et son amie Suzanne voient clair à travers les masques des grands. L'illusion de bonheur mimée par les différents couples se dilapide petit à petit, le tension pointe sous les apparences, sans jamais éclater vraiment. Malgré une certaine redondance, les séquences d'animation, plus légères, constituent un bon contrepoint à ce mélodrame familial, et ajoutent au trouble de la mémoire. Celui-ci est bien traduit par un récit parsemé d'impressions physiques (le bruit du gravier, le contact du sable), rendues sensibles par des gros plans et des ralentis bien maîtrisés. Le défilement de photos à l'écran, vu depuis l'intérieur de l'appareil, fige une dernière fois les souvenirs du passé. A la manière d'une lanterne magique, le film fait apparaître sous nos yeux les images de l'enfance; de la même façon, Thomas projette à l'aide d'une lampe les couleurs des vitraux sur les murs de la chapelle, lors d'un adieu final à l'île.
Pour autant, j'ai beaucoup moins aimé la dernière partie du film, dans laquelle on se détache petit à petit de la perspective de Thomas pour basculer du point de vue de Miangaly, une jeune Malgache. Celle-ci rejoint le cortège populaire célébrant la libération des manifestants. Je suis partagé entre deux impressions. D'une part, j'ai envie de dire: "Il était temps!" : un film sur l'essoufflement de l'ordre colonial ne pouvait pas, à mon sens, faire l'économie de cet aspect politique. La perspective du peuple malgache était donc attendue, et j'ai trouvé la séquence plutôt bien réalisée en soi. Mais, d'un autre côté, j'ai détesté la façon dont elle se rattache (ou ne se rattache pas, d'ailleurs) au reste du récit: elle m'a semblée comme posée là, ayant pas ou peu de rapport avec ce qui précède. Si cette dernière séquence est pertinente, elle aurait pu l'être bien davantage. J'ai donc été déçu par la dimension politique du film, qui aurait dû être plus développée et mieux intégrée au reste du récit. Celui-ci, d'ailleurs, se clôt de façon un peu abrupte, avant d'avoir pu mettre au jour les tensions qu'il contient en germe. Ce choix narratif m'a un peu laissé sur ma faim, malgré une première partie que j'ai trouvée brillante.
Note: 3.5/5
L'île rouge, Robin Campillo, France - Belgique - Madagascar, 2023.
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