L'enthousiasme suscité par Showing Up auprès de la critique ne pouvait que m'enjoindre à aller le voir, même si je n'étais pas franchement emballé par le pitch. Finalement, je trouve que ce film délicat se distingue par sa grande justesse. La réalisatrice y démontre sa capacité à peindre les émotions quotidiennes humaines au plus près du réel, sans jamais tomber dans le binarisme.
Le dernier film de Kelly Reichardt suit le quotidien de Lizzy, partagé entre son activité de sculptrice et son job de secrétaire dans l'école d'art où elle fut jadis élève. L'un des points forts de ce film, à mon sens, est l'écriture des relations interpersonnelles. En effet, le film peint avec justesse les tensions entre Lizzy et les membres de son entourage. La tentative pour le personnage de trouver sa place est une des thématiques principales du film, et elle se traduit aussi dans l'écriture de ces relations ambivalentes. En effet, la mère de Lizzy est aussi sa supérieure hiérarchique au travail; son insupportable rivale artistique, Jo, est aussi la propriétaire de son appartement, et sa voisine . Le film porte moins sur la quête d'une réussite artistique que sur celle de son identité propre, qui passe aussi par la possibilité d'avoir un espace à soi (notamment pour créer). Or l'appartement de Lizzy, qui est aussi son atelier de sculpture, est sans cesse envahi par le monde extérieur: Jo qui entre sans frapper, le pigeon qui s'introduit par la fenêtre, et que Jo force Lizzy à garder ensuite chez elle, ou encore le bruit que font Jo et ses ami.es dans l'appartement voisin, sont autant de manifestations de cette perte d'intimité. Cependant, Lizzy parvient à ménager des moments de grâce, durant lesquels elle s'adonne à son art, sans pour autant que le film bascule dans la représentation stéréotypée de l'artiste de génie, imperturbable dans sa création. L'artiste est ici, au contraire, représentée dans la trivialité absolue de son quotidien, seule en Crocs et avec son chat dans son appartement. Une autre grande force du film est de donner à voir les situations et les personnes dans toute leur complexité, et leur ambivalence, sans jamais tomber dans le manichéisme. Showing Up offre donc des portraits nuancés: Jo, si elle est pénible, est aussi attachante; Lizzy peine à s'intégrer à la vie sociale et artistique du campus, mais elle tisse un lien avec une autre artiste et finit par exposer. Pour autant, Kelly Reichardt évite tous les passages narratifs attendus dans lesquels on aimerait voir le film tomber: Showing Up parvient à faire surgir l'émotion, tout en demi-teinte, sans explosions dramatiques. Le film ne semble jamais pencher d'un côté ou de l'autre, ce qui lui confère une grande justesse.
Showing Up, Kelly Reichardt, Etats-Unis, 2023.
Note: 4/5
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