J'étais curieux de voir ce que me réservait ce film, qui faisait partie de la sélection "Un certain regard" à Cannes en 2022. Bilan: une critique sociale piquante, portée par deux personnages à l'ego monstrueux, mais qui à mes yeux aurait mérité d'être poussée plus loin.
Satire sinistre d’une société malade – d’elle-même, comme l’indique le titre –, Sick of myself déclenche le rire, cynique et grinçant, de ses spectateurs. Le film séduit par son humour corrosif, servi par les répliques cinglantes des deux personnages principaux. Lasse d’être éclipsée par la réussite mondaine de son petit ami artiste, Signe multiplie les tentatives pour obtenir, elle aussi, le succès en société. On assiste alors à une série de mises en scène de sa propre souffrance par Signe, explosant au cours de dîners mondains ou de réunions entre ami.es. On se délecte de la voir perturber l’ordre, et mener son imposture avec beaucoup d’intelligence. Celle-ci culmine lorsque Signe décide de prendre un médicament retiré de la vente, connu pour déclencher une maladie de peau; elle obtient ainsi l’attention tant désirée. L’indifférence méprisante de Thomas n’éclate vraiment que lorsque son propre succès est menacé par la carrière de Signe. La relation de couple est pervertie par la jalousie réciproque des deux partenaires, intelligemment filmée, et n’est alimentée que par l’amour-propre de chacun (l’orgasme que donne à Signe le récit de ses propres obsèques par Thomas en est un bon exemple). La narration maintient une porosité volontaire entre les fantasmes de succès de Signe, et la réalité de sa chute. Les masques finissent cependant par tomber: Thomas, qui a construit sa carrière en volant des objets de design, est emprisonné. Signe se retrouve seule et malade dans l’appartement vide, crachant le sang qui lui explosait au visage au début du film. Une telle montée en puissance du cynisme laisse peu de place à la rédemption: l’aveu d’imposture de Signe provoque le rejet de son amie Marte et ne fait que confirmer son égocentrisme. La séquence finale, dans laquelle Signe semble trouver la paix parmi les membres d’un groupe de parole, laisse sceptique et paraît artificielle: le film nous a montré auparavant qu’eux non plus n’échappent pas à la loi cynique qui régit le récit. Si la satire sociale macabre est à mes yeux convaincante, le propos général s’essouffle et se révèle, ironiquement, assez superficiel.
Note: 3/5
Sick of myself, Kristoffer Borgli, 2022.
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